TikTok : attention altérée, affects marchandisés

En cette ère où les distractions numériques règnent en maîtres sur notre quotidien, nous sommes confrontés à un phénomène autrefois prophétisé par l’ancien patron de TF1 Patrick Le Lay, qui déclarait en 2004 que ce qu’il offrait à Coca-Cola n’était autre que « du temps de cerveau humain disponible ». Cette révélation a fait scandale à l’époque mais est désormais perçue avec une indifférence résignée. Aujourd’hui, doté d’une structure optimale, c’est le réseau social TikTok qui semble être devenu le symbole par excellence de la captation de notre attention.

I. TikTok, l’ère de l’attention

Bien plus qu’une simple application parmi tant d’autres, TikTok représente le passage à l’ère de l’attention. Forte de plus d’un milliard d’adeptes, qui consacrent en moyenne une heure et demie quotidienne à son usage, TikTok se distingue par son taux d’engagement hors norme. Cette plateforme s’ancre dans une tendance générale où ses concurrents, tels qu’Instagram et YouTube, s’échinent à rivaliser avec des formats de vidéos courtes, sans toutefois égaler le niveau d’addiction qu’engendre le réseau chinois.

La dépendance à TikTok peut être assimilée aux expériences menées sur des souris dans les années 50, où la stimulation des centres du plaisir cérébral engendrait une obsession comportementale. De façon analogue, l’application de vidéos exploite notre circuit de la récompense par une libération incessante de dopamine, intervenant à la fin de chaque saynète visionnée. Elle annihile en plus la nécessité de choix conscients, puisqu’il suffit de scroller dans un flux infini, favorisant ainsi une consommation passive et ininterrompue de contenu.

II. Impacts sur le cerveau

L’influence de TikTok dépasse le cadre d’un simple divertissement. Elle modifie en profondeur notre capacité d’attention et notre motivation. En habituant ses utilisateurs à des gratifications instantanées, TikTok rend des activités telles que la lecture, l’écriture ou les jeux de société incroyablement fastidieuses. Par ailleurs, la surstimulation dopaminergique peut mener à une dépression et à une altération des fonctions cognitives, réduisant la capacité à prendre des décisions réfléchies et à s’engager dans des tâches complexes.

Par les mécanismes qu’elle met en branle, l’application chinoise produit des effets pernicieux sur les capacités cognitives de ses utilisateurs, débouchant sur du décrochage attentionnel et de l’addiction aux stimuli générés. En perpétuant et consolidant ce modèle, elle pose la question légitime d’un avenir intellectuel hypothéqué.

III. TikTok : l’exploitation de l’attention 

Au cœur du modèle économique de TikTok réside la monétisation de l’attention humaine. Les utilisateurs, en fournissant des données précieuses à travers leurs interactions, aiguillonnent l’algorithme à affiner sans cesse la personnalisation du contenu, intensifiant ainsi l’addiction. Cette stratégie génère des revenus publicitaires conséquents, en convertissant efficacement le temps passé sur l’application en un produit commercialisable.

Le temps passé sur chaque vidéo proposée par l’algorithme, le niveau d’engagement, les réactions, tout contribue à entraîner un modèle de plus en plus précis dans ses prédictions comportementales et donc utile aux annonceurs cherchant à cibler leur public. Comme les souris de laboratoire munies d’électrodes réclamant sans cesse plus de dopamine, quitte à se laisser mourir, les utilisateurs de TikTok tendent à consacrer un temps croissant à l’application, au détriment de leur santé mentale, de leurs aptitudes cérébrales et de leurs projets dans la vie réelle. Plus que problématique, c’en est inquiétant. 

L.B.


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Une réponse à « TikTok : attention altérée, affects marchandisés »

  1. Avatar de Musique : une petite mort sur les plateformes – RadiKult'

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