Jack Nicholson, au firmament hollywoodien

Il fait incontestablement partie des figures indissociables du Hollywood de la fin du XXe siècle. Non seulement Jack Nicholson a tout joué, du rôle psychologisant au super-vilain en passant par l’homme sombrant dans la démence, mais on lui doit de surcroît certains des plans les plus iconiques du septième art. Démonstration en cinq actes. 

Il a régulièrement plongé dans les abysses de la psyché humaine, avec une acuité et une subtilité dignes des plus grands comédiens. Durant sa longue carrière, réellement amorcée dans les années 1960, Jack Nicholson a donné vie à une galerie de personnages aux contours tantôt tranchés tantôt nuancés, cristallisant au fil du temps un héritage indéniable dans le monde cinématographique.

On pourrait commencer notre brève exploration de ses rôles-phares par une œuvre psychologiquement dense, Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975). Dans le film de Miloš Forman, adapté du roman de Ken Kesey, Jack Nicholson incarne Randle McMurphy, un sociopathe de 38 ans condamné pour viol. Dépeint avec une ironie mordante et caractérisé par une rébellion affirmée, il se dresse contre le carcan oppressif de l’institution psychiatrique – il a feint la folie pour éviter la prison. Cette interprétation, marquée par une énergie frénétique et une vulnérabilité latente, constitue un véritable tour de force qui met en lumière les nuances du jeu de l’acteur, qui sonde avec talent la condition humaine face à l’autoritarisme. L’influence culturelle de ce rôle, incontestable, permet d’ouvrir un dialogue public sur la santé mentale et les pratiques institutionnelles.

Parmi les scènes marquantes de ce long métrage, on peut épingler celle, si évocatrice, de la partie de basket. Randle McMurphy encourage les autres patients de l’asile à jouer au basket mais se heurte cependant à leur apathie et leur manque d’autonomie. Cette séquence illustre parfaitement la volonté du personnage d’éveiller ses pairs et, en creux, de se dresser contre les normes établies de l’institution. La performance de Jack Nicholson y mêle humour, frustration et détermination, avec ce qu’il faut de finesse et d’exposition. 

Cinq années plus tard, c’est une autre image qui s’inscrit dans la culture populaire. Jack Torrance, le protagoniste de Shining (1980), brise la porte d’une salle de bain à coups de hache pour atteindre sa femme, recluse et terrifiée. « Here’s Johnny ! », ponctue un Jack Nicholson personnifiant comme jamais la démence, avec une intensité rare. Dans le film de Stanley Kubrick, le comédien endosse le rôle d’un écrivain engagé comme gardien d’hôtel le temps d’un hiver, un père de famille névrosé dont la descente dans la folie est mise en scène avec une précision glaçante. Cette performance remarquable, débouchant sur un abandon total à la démence, se distingue par une théâtralité presque macabre, installant les deux Jack, Torrance et Nicholson, comme des icônes intemporelles du cinéma d’horreur. 

Quelques années plus tard, son interprétation du Joker dans le Batman de Tim Burton (1989) donne à Jack Nicholson l’occasion de prêter corps aux différentes facettes d’un nihilisme bariolé. Humour noir, apparitions parfois grotesques, cette incarnation du super-vilain, mi-terrifiante mi-jubilatoire, a modifié la représentation du personnage dans les médias, posant les jalons des interprétations futures d’Heath Ledger. Qui n’a pas en mémoire la scène du défilé, où le Joker, charismatique et exubérant, lance de l’argent à la foule tout en diffusant du gaz toxique ? C’est un équilibre entre la menace et le « charme », le Joker s’employant à camper à la fois le psychopathe et le showman, avec un succès équivalent.

Autre époque, autre style. Pour le pire et pour le meilleur (1997) montre un Jack Nicholson majuscule dans la peau d’un écrivain obsessionnel-compulsif. Ce rôle où l’acrimonie et la misanthropie le disputent à la fragilité émotionnelle comporte un discours intéressant sur la dualité humaine, entre répulsion (homophobie, racisme, égoïsme) et empathie (inaptitude à la communication, schémas comportementaux préétablis, besoin de sécurité). La performance du comédien, qui porte le film pratiquement à lui seul, invite à une compréhension plus nuancée des troubles psychologiques et des comportements humains, où les tentations de repli et les besoins d’ouverture coexistent et rivalisent. 

Vous pensiez probablement que nous l’avions oublié, mais Chinatown (1974) figure évidemment au programme. Jack Nicholson y incarne J.J. Gittes, un détective privé pris dans les filets d’une intrigue de corruption et de scandale. Sa performance allie une désinvolture fascinante à une obstination téméraire. Elle contribue à réinventer, ou en tout cas enrichir, l’archétype du détective privé, injectant dans le genre du film noir une modernité et une complexité psychologique quasi inédites. La scène finale, où Gittes découvre la vérité sur l’affaire d’eau et la corruption, est mémorable. Sa confrontation avec Noah Cross et les révélations qui en découlent sont d’une intensité dramatique évidente. Nicholson y apporte une combinaison de désillusion et de résignation, illustrant le choc et l’impuissance de Gittes face à l’ampleur de la corruption et de l’injustice.

Chacun de ces rôles, interprétés avec une profondeur remarquable, souligne la capacité unique de Jack Nicholson à embrasser avec conviction une gamme étendue de personnages, de l’excentrique super-vilain à l’écrivain profondément troublé. Son talent pour l’expression d’émotions vives et complexes, ses apports personnels si distinctifs (ce sourire, ces mimiques, cette gestuelle, cette présence) font désormais partie de la grande histoire du cinéma et comptent énormément dans la culture populaire. Au travers de ces rôles, auxquels on aurait pu ajouter Easy Rider (1969) ou Les Infiltrés (2006), l’acteur est devenu icône. Une stature qu’il est difficile de lui contester.

L.B.

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Une réponse à « Jack Nicholson, au firmament hollywoodien »

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