Plop! : mauvais genre

Sébastien Fleuret et Simon Vergnol publient Plop! aux éditions Steinkis. On y suit le quotidien d’Alex, un habitant de Montréal bouleversé par une transformation physique inattendue lors d’une soirée hockey. Le roman graphique explore avec humour (et parfois gravité) les dynamiques de genre et les questions d’identité.

L’intrigue de Plop! prend réellement forme avec un événement aussi abrupt qu’extraordinaire : alors qu’il passe une soirée tranquille avec ses amis devant un match de hockey, Alex entend un son étrange, un « PLOP », suivi d’une douleur incommodante. Il se rend aussitôt aux toilettes et constate que… son pénis a été remplacé par un vagin ! Ce phénomène n’affecte pas seulement Alex mais s’étend à d’autres hommes de la ville, posant immédiatement des questions sur la nature et la cause de ces transformations. 

Le prétexte narratif relève d’un absurde assumé, mais l’album l’utilise habilement, notamment pour explorer les défis quotidiens auxquels les femmes sont confrontées. Alex et les autres hommes transformés expérimentent malgré eux les règles douloureuses, le harcèlement sexuel, le regard masculin. Ce qu’ils découvrent les gêne, voire les horrifie. Pourquoi les femmes doivent-elles s’accommoder de toutes ces choses soudainement perçues comme des anomalies ou des entraves à leur épanouissement ?

Face à ce bouleversement incongru, la réaction sociale se caractérise par un mélange de panique, de confusion et de curiosité. Les « plopés » s’organisent pour découvrir la vérité et comprendre ce qui leur arrive. Des manifestants en colère se plaignent du manque de transparence des autorités. Pire, ils hurlent au mensonge. Pour peu, on se croirait revenus aux manifestations anti-confinement pendant la pandémie de Covid-19. Les auteurs en profitent d’ailleurs pour enfoncer un dernier clou, en intégrant dans leur récit les tromperies industrielles.

Ces choix narratifs ne sont évidemment pas anodins. Ils soulèvent des questions sur la responsabilité, la transparence et l’éthique dans les secteurs public et privé. Plop! repose sur un humour détaché, presque décalé, mais il comporte aussi des réflexions pertinentes sur le genre, l’identité, les dynamiques sociales et les scandales industriels. L’ensemble se complète par ailleurs d’une histoire d’amour : la transformation d’Alex le conduit à former un couple avec une femme lesbienne, remettant peu à peu en question son identité de genre et ses orientations futures.

Avec Plop!, Sébastien Fleuret et Simon Vergnol livrent une trame fantastique et humoristique, qui permet d’aborder des thématiques plus sérieuses et très actuelles. Les réalités souvent invisibilisées de la société apparaissent avec éclat, au grand dam de ces hommes qui n’en demandaient certainement pas tant. Pas de maestria ici, mais un album assez bien ficelé, qui étonne, distrait et questionne. 

R.P.


Plop!, Sébastien Fleuret et Simon Vergnol – Steinkis, avril 2024, 128 pages


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