« Les générations dialoguent ainsi sans mal : Fangio, Clark, Stewart, Ickx, Rindt, Courage, Senna, Villeneuve, Lauda, Häkkinen, Schumacher ou encore Hamilton se répondent par thèmes, traits caractéristiques communs, parfois par opposition. »
Avec sa galerie de champions, Formule 1, les pilotes de légende se penche sur une discipline sportive à travers ceux qui l’ont le mieux incarnée. Le livre, organisé chronologiquement, rassemble des figures majeures de la F1, sans distinction d’époques. De ces portraits particulièrement vivants émergent notamment le rapport au danger, les styles de pilotage, la construction de l’image publique ou encore les contextes personnels à l’origine de leur passion pour la course automobile.
Un pilote, un chapitre, une trajectoire. Formule 1, les pilotes de légende combine, à chaque portrait, des récits biographiques, des rappels contextuels, des données sportives essentielles et une iconographie généreuse. Le lecteur peut aisément passer d’une époque à l’autre, sans rupture de lecture. Les statistiques sont présentes mais secondaires ; le fil conducteur n’est pas tant le palmarès que la manière dont chaque pilote a occupé, en son temps, une place importante dans la Formule 1.
Les générations dialoguent ainsi sans mal : Fangio, Clark, Stewart, Ickx, Rindt, Courage, Senna, Villeneuve, Lauda, Häkkinen, Schumacher ou encore Hamilton se répondent par thèmes, traits caractéristiques communs, parfois par opposition. Si Juan Manuel Fangio représente une époque où le risque est pleinement intégré au métier de pilote, Jim Clark et Piers Courage démontrent malgré eux que l’augmentation des performances n’est pas accompagnée d’un cadre de sécurité suffisant, raison pour laquelle Jackie Stewart va par la suite monter au créneau.
Le tragique accident de Niki Lauda en 1976, puis son refus de concourir quelques semaines plus tard au Japon en raison de conditions de course jugées trop dangereuses, disent beaucoup des liens inexorables entre le spectacle et le danger automobiles. Ayrton Senna le paiera de sa vie, au faîte de la gloire. L’accident d’Imola rappelle que la modernisation de la F1 n’annule pas les risques auxquels s’exposent ses protagonistes.
Il faut donc avoir les nerfs solides pour devenir un « grand pilote ». Mais qu’est-ce qui caractérise ces champions ? Fangio est présenté comme un pilote de méthode, Clark comme un talent instinctif traversé par le doute, Villeneuve apparaît un peu à part : attaque permanente, rapport viscéral à la course, « l’Aviateur » est un irréductible qui a peu gagné mais a néanmoins marqué les esprits. Avec Lauda, Häkkinen, Schumacher et Hamilton, la question se déplace légèrement. Le pilotage devient indissociable d’un système. Lauda gagne par l’analyse et la rigueur. Häkkinen par la constance et la maîtrise mentale. Schumacher par la construction d’un bloc technique, humain et stratégique. Hamilton par l’adaptation permanente. Tous aussi, évidemment, par le talent.
Ce qu’en pense le public, en revanche, est moins évident. Fangio et Clark voient leur légende se construire surtout a posteriori. Stewart est l’un des premiers à maîtriser son image et sa parole. Lauda impose une communication directe, parfois brutale. Schumacher se trouve à mi-chemin entre admiration et rejet, performance et controverse. Hamilton, enfin, dépasse le cadre strictement sportif ; il bénéficie d’une exposition médiatique inédite.
Et la famille dans tout cela ? Jim Clark vient d’un milieu rural écossais, où la course automobile est perçue comme secondaire. Le jeune homme était promis à un autre avenir, dans l’élevage de brebis. Dyslexique et en échec scolaire, Jackie Stewart ne bénéficie pas du soutien de ses parents, apeurés par le grave accident qu’a connu son frère Jimmy au Mans. Piers Courage entend quant à lui financer seul sa carrière. Esseulé, Niki Lauda doit multiplier les prêts bancaires pour obtenir un volant. Mais à l’inverse, le père de Lewis Hamilton, très impliqué, devient son manager à plein temps.
De l’apparence physique peu banale de Fangio à la reconversion de Lauda dans l’aéronautique, en passant par les doutes maladifs de Clark ou l’accident quasi mortel d’Häkkinen, Formule 1, les pilotes de légende fourmille d’anecdotes et d’histoires annexes. Mais l’essentiel n’est cependant pas là : l’ouvrage assemble des portraits précis, richement illustrés, accessibles, qui expliquent la discipline et ses acteurs sans en taire les tensions internes. Et c’est souvent passionnant.
Jonathan Fanara

Formule 1, les pilotes de légende, Roberto Gurian – L’Imprévu, octobre 2025, 224 pages

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