« Le regard s’attarde sur les pagodes et temples du Japon, sur les monts et déserts de Chine ou sur la ville éternelle de Tbilissi, en Géorgie. Les photographies de lieux emblématiques comme Pétra, le Taj Mahal ou Angkor Wat dialoguent avec des constructions plus récentes, telle la vertigineuse Palm Jumeirah de Dubaï… »
Il existe des livres qui ouvrent des portes. L’Asie – Terre de traditions et de contrastes appartient à cette catégorie. Par son souffle, la richesse de ses images et la qualité de sa mise en contexte, cet ouvrage signé Victoria Burrows et paru aux éditions L’Imprévu complète un généreux panorama photographique par une traversée sensorielle et culturelle d’un continent pluriel.
Il s’agit, d’abord, de refuser les clichés pour mieux poser les bases d’une complexité. L’Asie, peut-on lire dès l’introduction, est à la fois le continent le plus vaste, le plus peuplé et le plus anciennement civilisé – mais surtout le plus contrasté. Du mont Everest aux sables brûlants du désert de Gobi, des mégapoles ultra-connectées aux villages suspendus dans le temps, elle offre un kaléidoscope de paysages, de spiritualités et de cultures que seule une approche à la fois globale et nuancée peut rendre intelligible.
Ce livre concourt justement à cet équilibre : il conjugue l’émerveillement visuel à une lecture géo-historique succincte, ancrant chaque photographie dans une mémoire, un héritage, parfois une dynamique. Le parti pris éditorial est clair : explorer l’Asie par grandes régions. Le lecteur traverse ainsi successivement l’Asie de l’Ouest, centrale et du Nord, du Sud, de l’Est et du Sud-Est. À chaque étape, un texte introductif offre les clefs de lecture nécessaires : enjeux historiques, fondements religieux, caractéristiques paysagères, diversité des langues et des pratiques culturelles.
Le regard s’attarde sur les pagodes et temples du Japon, sur les monts et déserts de Chine ou sur la ville éternelle de Tbilissi, en Géorgie. Les photographies de lieux emblématiques comme Pétra, le Taj Mahal ou Angkor Wat dialoguent avec des constructions plus récentes, telle la vertigineuse Palm Jumeirah de Dubaï – une prouesse d’ingénierie aussi symbolique que spectaculaire, où cohabitent des hôtels de luxe (en bordure) et des zones résidentielles (les « feuilles » du palmier).
Dans les pages consacrées à l’Asie centrale et du Nord, c’est la mémoire des empires disparus qui affleure : khanats, califats, caravanes… Des lieux comme Samarcande, Boukhara ou les campements nomades du Kirghizistan racontent une Asie longtemps restée à l’ombre de ses puissants voisins, mais dont les traditions, architectures islamiques et paysages grandioses gagnent aujourd’hui une visibilité renouvelée.
C’est probablement dans l’Asie du Sud que le livre atteint son intensité spirituelle la plus haute. Inde, Népal, Sri Lanka, Bhoutan, Pakistan : autant de foyers religieux où se croisent hindouisme, islam, sikhisme, bouddhisme, jaïnisme et christianisme. La photographie du monastère de Diskit au Ladakh, adossé aux cimes glacées, condense cette élévation à la fois physique et mystique.
À l’est du continent, le lecteur découvre une autre grammaire visuelle : celle de l’élégance, de la précision, du rapport au détail. Japon, Corée, Chine, Hong Kong, Taïwan… Ici, la modernité côtoie l’immuable. Les torii de Kyoto, le Grand Bouddha de Lantau à Hong Kong, tout contribue à révéler une Asie qui maîtrise l’art du temps long. Le livre insiste également sur le rôle géopolitique majeur de cette région, sans jamais céder à l’analyse froide. Chaque photo rappelle que derrière les puissances émergentes, il y a des peuples, des rites, des paysages.
Iran, Thaïlande, Vietnam, Jordanie, Indonésie, Myanmar, Israël, Philippines… Personne ne manque à l’appel. L’imaginaire des temples perdus, des jungles profondes, des plages émeraude, celui des coutumes et du folklore, prennent place dans un ouvrage qui rend l’hommage dû à la beauté et à la diversité de cette vaste région géographique. Chaque page invite à l’immersion, à la réflexion, voire à la déconstruction de ce que l’on croit savoir du continent asiatique. De quoi voyager d’abord avec les yeux, puis avec l’esprit – et, un jour peut-être, avec les pieds.
Jonathan Fanara

L’Asie – Terre de traditions et de contrastes, Victoria Burrows –
L’Imprévu, juin 2025, 224 pages

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