La Rose et l’Olivier : les épines d’une jeunesse rebelle et libre

La Rose et l’Olivier paraît aux éditions Delcourt. Avec sensibilité, Mélaka rend hommage à sa mère, Gudule, dans un roman graphique où se mêlent passion, émancipation et résilience, entre la grisaille de Belgique et les couleurs contrastées du Liban des années 60. 

Rose Vermeer n’a pas encore vingt ans, mais elle se retrouve déjà confrontée aux réalités amères de l’existence. Adolescente complexée élevée dans une famille catholique relativement stricte, elle tombe sous l’emprise toxique de « Polochon », un homme manipulateur, de trente ans son aîné, qui profite sans vergogne de sa naïveté et de son besoin désespéré d’amour. De cette relation malsaine naîtra Grégoire, un bébé inattendu, qui pousse Rose à l’exil pour fuir les préjugés et l’opprobre inhérents à sa condition de fille-mère. Mais surtout pour s’émanciper d’un artiste quinquagénaire débonnaire, égoïste et volage.

Destination : Beyrouth, où son oncle accueille la jeune mère avec bienveillance mais fermeté, dans une société libanaise fortement codifiée, où les hiérarchies sociales et confessionnelles semblent structurer chaque interaction. Rose y découvre avec sidération une réalité marquée par l’injustice : domestiques privés de droits, préjugés religieux exacerbés entre catholiques et musulmans, poids étouffant des traditions. Pourtant, fidèle à sa nature insoumise, elle refuse de se plier à ces normes rigides, déclenchant tour à tour amusement, scandale ou admiration. Mélaka nous donne à voir une jeune femme pleine de ressources, candide, sincère et parfois maladroite. Bref, très attachante. 

À Beyrouth, le cœur de Rose se révèle aussi tourmenté que rebelle. Entre deux hommes, elle oscille, hésite, se perd, puis se retrouve, cherchant un amour authentique et respectueux, en rupture radicale avec l’emprise destructrice vécue avec « Polochon ». Dans ce tourbillon sentimental, Rose apprend à conjuguer ses aspirations intimes à son statut de jeune mère célibataire, bataillant sans cesse pour conserver son indépendance et s’épanouir. Rien n’est facile : il faut se faire une place dans le monde professionnel libanais, veiller à la garde de Grégoire, s’intégrer socialement, préserver les liens avec la famille restée en Belgique.  

Avec La Rose et l’Olivier, Mélaka adapte avec justesse et délicatesse la trilogie autobiographique de sa mère, Gudule, dévoilant un récit poignant qui ne verse jamais dans le misérabilisme, lui préférant des élans d’émancipation féminine et de liberté. Chaque page traduit la croissance, en tant que femme, de Rose. L’ensemble est porté par un trait simple mais évocateur, qui souligne la vulnérabilité et la force intérieure de la jeune protagoniste.

C’est aussi une histoire universelle : celle d’une femme en devenir, confrontée aux violences silencieuses d’une société patriarcale et à la cruauté ordinaire des jugements moraux. En Belgique, elle fuit avec peine la dépendance affective envers un homme-roi ; au Liban, elle doit taire son histoire personnelle et afficher un masque social permanent. Les épreuves sont nombreuses et douloureuses. Elles mènent au déracinement, mais surtout à la reconstruction de soi.  

Dans une ode intime à sa mère, Mélaka réussit à immortaliser le parcours d’une héroïne singulière, incarnant avec subtilité la liberté que Gudule a toujours revendiquée, et que Rose a si douloureusement gagnée.

Fiche produit Amazon

J.F.


La Rose et l’Olivier, Mélaka – Delcourt, avril 2025, 320 pages


Posted

in

by

Comments

Laisser un commentaire