Petite forêt, ode à la vie simple

Daisuke Igarashi nous revient avec la réédition, chez Delcourt, de Petite forêt, une invitation à une immersion aussi poétique qu’émouvante dans la vie d’Ichiko, une jeune femme vivant à Komori, un hameau reculé et paisible. À travers des recettes de cuisine et des moments de pure contemplation, l’auteur nous offre une réflexion sur le mode de vie rural, la simplicité et la poésie du quotidien.

Ichiko, abandonnée par sa mère, vit seule à Komori, où elle utilise les produits locaux pour préparer ses repas. Chaque chapitre de Petite forêt met en lumière un aspect de son quotidien, articulé autour d’un aliment particulier ou d’une recette de cuisine. Ce manga ne repose pas sur une intrigue classique mais plutôt sur le mode de vie des habitants du hameau. Daisuke Igarashi décrit ainsi avec sensibilité une vie autosuffisante, loin de la consommation et de la frénésie urbaines, où chaque ingrédient a une histoire et chaque plat, une signification.

Cette immersion dans le quotidien simple mais besogneux de Komori est à la fois rafraîchissante et dépaysante. Le lecteur est invité à suivre Ichiko dans ses activités de culture et de cueillette, dans un cycle saisonnier où l’été est consacré à la préparation des réserves pour l’hiver. Cette vie exigeante, qui demande un investissement total, est décrite avec une sincérité qui évite tout angélisme. Car sous le trait de Daisuke Igarashi, le travail est certes incessant mais enrichissant, humainement gratifiant.

Son dessin est notamment remarquable pour la représentation des paysages. Les scènes de nature sont soignées et détaillées, flattant l’œil et invitant à la contemplation. L’immersion du lecteur dans cet univers rural se veut totale, et l’attention portée à l’environnement et à ses cycles participe à la poésie générale du manga, qui célèbre la beauté des petites choses du quotidien, dans un esprit qui peut rappeler, dans une certaine mesure, l’estampe japonaise et son étude de l’impermanence.

Les recettes de cuisine, abondantes dans le manga, permettent aux lecteurs de prendre langue avec la culture nippone et constituent un moyen pour Ichiko de se reconnecter à son passé, et à sa mère. Chaque plat fait l’objet d’une réflexion, de souvenirs et de partage. Le lecteur découvre au fil des pages ce qui se cachent derrière les mochis, le nattô ou encore certaines soupes, ainsi que les différentes techniques de conservation et quelques astuces culinaires.

En toile de fond, il y a évidemment la trajectoire personnelle d’Ichiko, qui retourne à Komori après une rupture amoureuse et y trouve un espace idoine pour réfléchir à ses envies et aspirations. Ce retour aux sources est un moyen pour elle de se redéfinir, voire de se recomposer. À travers ses doutes et ses questionnements, le lecteur est invité à considérer la vie simple comme une alternative viable et réconfortante – mais non sans difficultés, notamment physiques et matérielles.

Le mode de vie décrit dans Petite forêt est aussi une réponse aux préoccupations écologiques actuelles. Daisuke Igarashi montre une manière de vivre en harmonie avec la nature, où chaque ressource est précieuse et où le gaspillage est banni. La lecture pourra peut-être déconcerter certains par son rythme lent et ses leitmotivs culinaires. Mais elle n’en demeure pas moins sincère et précieuse, en prise directe avec nos affects, évitant les clichés et présentant une vie rurale exigeante mais épanouissante.

J.F.


Petite forêt, Daisuke Igarashi – Delcourt, mai 2024, 352 pages


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