
Publié aux éditions Marabout, Rap, la science du flow, de Paul Edwards, s’échine à effeuiller le rap et ses modes d’expression. Préfacé par la légende du hip-hop américain Kool G Rap, l’ouvrage s’intéresse aux mécanismes créatifs et techniques qui sous-tendent un genre parfois minoré d’un point de vue artistique. Grâce à des contributions exclusives de figures emblématiques telles que Vinnie Paz, Immortal Technique, B-Real et bien d’autres, l’auteur présente les process en vigueur dans le rap US.
Le panorama littéraire consacré à la musique a beau être foisonnant, rares cependant sont les ouvrages capables de capturer avec justesse et profondeur l’essence d’un genre aussi dynamique et évolutif que le rap. C’est le cas de Rap, la science du flow, dans lequel Paul Edwards tend le micro à des dizaines de MC’s pour offrir à ses lecteurs une analyse exhaustive des fondements du rap, allant de la construction lyrique au flow, en passant par les temps d’écriture et les techniques d’enregistrement en studio.
Dès les premières pages, la préface de Kool G Rap instaure le ton : nous sommes sur le point de pénétrer dans le sanctuaire sacré d’un genre où la technique et l’expression personnelle fusionnent. Les interviews de figures majeures du genre, de Tech N9ne à Remy Ma, apportent des témoignages de première main et une vraie légitimité à l’analyse. Ces voix, évidemment reconnues pour leur talent et leur influence dans le milieu, partagent sans réserve leurs processus créatifs, leurs « tips », la manière dont elles appréhendent et conçoivent leur musique.
Paul Edwards ne se contente toutefois pas de compiler des témoignages. Il les organise, les met en perspective et partant, déconstruit les genres de lyrics, les structures des textes et des rimes, souligne l’importance cruciale du flow, de l’écriture, et revient également sur des aspects moins commentés comme le ghostwriting et les punch-ins. Chaque chapitre est un guide pratique détaillant avec soin les techniques et les stratégies employées par les rappeurs pour créer et satisfaire leur audience, jouer avec les mots, les rimes, les rythmes et les tonalités, et finalement raconter des histoires qui résonnent.
L’ouvrage brille particulièrement lorsqu’il aborde les nuances les plus fines du rap : les uns font usage de dictionnaires pour enrichir leur lexique, les autres soulignent l’importance des analogies et des métaphores pour la profondeur lyrique, les derniers s’épanchent sur les variations de rythme et les combinaisons de schémas lyricaux pour maintenir l’attention de l’auditeur. Paul Edwards et ses artistes-ressources parviennent à rendre ces concepts accessibles, sans jamais rien sacrifier de la complexité inhérente à leur maîtrise.
Rap, la science du flow peut aussi s’appréhender comme un hommage vibrant à une forme d’art souvent sous-estimée, une célébration de l’ingéniosité et de la créativité des rappeurs. Paul Edwards fait état d’une incroyable diversité et d’une préparation souvent minutieuse. Des battle raps spontanés aux albums à concept minutieusement soupesés, de l’écriture sans structure à celle calée sur le beat, le rap peut prendre des formes très différentes et répondre à des niveaux d’exigence très variables.
L’ouvrage parlera forcément aux passionnés, heureux d’y retrouver certains grands noms dont ils suivent de près la carrière. Il constitue également une mine d’or pour les aspirants rappeurs désireux de comprendre les rouages complexes de ce genre musical. Car Paul Edwards dévoile ses secrets de fabrication, la manière dont il prend forme, les multiples possibilités qu’il offre à ceux qui l’utilisent pour s’exprimer. Et c’est plutôt engageant.
J.F.

Rap, la science du flow, Paul Edwards – Marabout, février 2024, 400 pages

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