Comment American Beauty rend compte des phénomènes sociaux (5/5)

Réalisé par Sam Mendes en 1999, American Beauty a profondément marqué le paysage cinématographique de la fin du XXe siècle. Son intrigue se déroule dans une banlieue américaine typique et s’articule autour de la vie de Lester Burnham, un homme en pleine crise de la quarantaine. Par son truchement, mais aussi à travers sa famille et ses voisins, le long métrage déploie une introspection ingénieuse des réalités sociales contemporaines, telles que la quête de sens, l’aliénation, la sexualité, le matérialisme ou la pression sociale. Nous vous proposons d’en explorer les éléments constitutifs en cinq articles, dont voici le cinquième.

5. Le matérialisme et le vide existentiel

Obsession de la société pour le matérialisme et la consommation

American Beauty formule une critique incisive du matérialisme et de la culture de la consommation qui prévalent dans nos sociétés modernes. Le film met en évidence l’obsession pour la richesse matérielle, le statut social et les apparences extérieures, qui conduisent ensemble à un vide existentiel. Certains personnages, en particulier Carolyn Burnham, sont représentatifs de cette obsession : leur quête de succès matériel et de reconnaissance sociale semble primer les relations authentiques et le bien-être émotionnel.

Cette fixation sur le matérialisme apparaît comme un substitut à un accomplissement plus profond et significatif. Le film suggère ainsi que la poursuite incessante du succès extérieur ne comble en aucun cas les besoins intérieurs de sens, de connexion humaine et d’authenticité. C’est un emplâtre sur une jambe de bois, un cache-misère prêt à voler en éclats. 

Vide existentiel

Les personnages principaux d’American Beauty sont confrontés à un sentiment de désillusion. Malgré une carrière réussie et une belle maison en banlieue, Lester Burnham ressent un profond mécontentement et une lassitude générale face à la vie. Son cheminement intérieur, tout au long du film, est une tentative désespérée d’objectiver et combler ce vide, en s’abandonnant à des expériences plus revigorantes, formatrices et authentiques.

De même, Carolyn et leur fille Jane montrent des signes de lutte contre ce fossé existentiel. La mère de famille poursuit sans relâche ses rêves de succès professionnel et entretient une apparence parfaite, tout en cachant un vif sentiment d’insatisfaction. Jane, quant à elle, se débat avec l’insécurité et le désir de nouer des liens sincères, symbolisant la quête d’une génération plus jeune de donner du sens à la vie dans un monde matérialiste.

Critique sociologique du consumérisme

La critique du consumérisme dans American Beauty s’aligne sur plusieurs théories sociologiques. Des penseurs comme Jean Baudrillard et Guy Debord ont exploré l’idée que dans les sociétés contemporaines, la consommation est devenue une force centrale, remplaçant les relations interpersonnelles et les expériences vécues par des représentations et des images superficielles.

Sam Mendes illustre parfaitement la manière dont le consumérisme a conduit à un détachement des valeurs humaines fondamentales et à une forme de spectacle, où l’apparence et l’image deviennent plus importantes que la réalité. Cette déconnexion entre les faits réels et leur projection constitue une source majeure de malaise et d’aliénation pour les personnages. C’est parce qu’elle est terrorisée par la banalité qu’Angela cherche à se distinguer et séduire. C’est en vertu d’une certaine légitimité sociale que Carolyn tient à ce que l’ordre et l’attrait président chaque aspect de son existence. 

American Beauty l’exprime autrement, avec une évidence presque confondante. Le père de famille droit dans ses bottes, en costume et attaché-case, a pour seul plaisir journalier la masturbation matinale qu’il s’octroie sous la douche. Là est le moment culminant de l’Américain moyen réalisant son american dream. Ce désespoir trouve un équivalent résigné du côté de Barbara Fitts, malaimée et malade, qui traverse l’existence tel un fantôme, invisible, sans détermination, en marge de toute réalité. 

J.F.


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