Rap, genèse et évolutions (1/6)

Genre musical emblématique de la fin du XXe siècle, le rap représente bien plus qu’une simple forme d’expression artistique. Il est le reflet d’une histoire, d’une culture et d’une évolution sociale qui l’ont profondément préfiguré et conditionné. De ses origines dans les rues du Bronx aux États-Unis à son explosion en France, ce courant musical a toujours été un moyen pour les communautés marginalisées de faire entendre leur voix. À travers une série de six articles, nous explorerons l’évolution du rap, ses influences et son impact sur la société contemporaine. Le voyage sera forcément rythmé. En voici le premier battement.

Introduction à l’histoire du rap

Le rap trouve ses racines dans les traditions orales africaines. Il s’inspire notamment des griots, qui étaient des conteurs et musiciens itinérants. Ce phénomène culturel a ensuite été transporté aux États-Unis par les esclaves africains. Au XXe siècle, dans les quartiers défavorisés de New York, tels que le Bronx ou Brooklyn, le rap est apparu comme une forme d’expression pour les jeunes Afro-Américains et Latinos. Ils l’ont employé pour raconter leurs histoires, communiquer leurs colères, espoirs ou frustrations et revendiquer leurs droits.

Le rap fait partie d’un mouvement, le hip-hop, qui englobe le graffiti, le breakdance et le DJing. Les paroles de ses textes étaient dès ses premières heures souvent politiques, abordant des sujets tels que la brutalité policière, la discrimination et la vie quotidienne dans les ghettos. Le rap apparaît presque immédiatement comme un porte-voix pour la jeunesse noire et latino, marginalisée mais désireuse de faire entendre sa voix. Les premiers morceaux emblématiques, comme « Rapper’s Delight » de Sugarhill Gang (1979) et « The Message » de Grandmaster Flash and the Furious Five (1982), ont saisi l’essence de leur époque et jeté les bases du genre.

Contexte socioculturel

Le contexte socioculturel des années 1970 et 1980 a été déterminant pour la naissance et l’évolution du rap. Les États-Unis traversaient alors une période de turbulences, caractérisée par les mouvements des droits civiques, les émeutes urbaines et plusieurs crises pétrolières et économiques. Arrivé au pouvoir en janvier 1981, Ronald Reagan a exacerbé le sentiment d’abandon et de détresse qui frappait les milieux populaires, et en particulier la jeunesse défavorisée des ghettos américains. La musique est devenue pour elle un moyen d’échapper à une réalité éprouvante et d’exprimer des sentiments souvent douloureux, parfois nappés d’espoir. Avec ses paroles crues, sans fard, et son rythme saccadé et percutant, le rap a épousé une ère propice à son éclosion. 

Dans ses sonorités, le rap a été influencé par le funk, le jazz et le blues. Les DJs utilisaient des échantillons de ces musiques (les samples) pour créer de nouveaux morceaux. Les block parties, lieux d’échange et de créativité, réunissaient des jeunes qui pouvaient, ainsi, s’évader de leur quotidien. Ces rassemblements ont également servi de tremplin pour les rappeurs, qui y exerçaient leurs talents et y trouvaient un public. Des clubs comme le Roxy à New York sont devenus des lieux emblématiques de la scène rap, attirant des artistes de tout le pays.

L’ascension du rap aux États-Unis

Les pionniers du rap ont beaucoup fait dans la définition et la popularisation du genre. Des artistes tels que DJ Kool Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa ont commencé à organiser des soirées où ils mixaient des morceaux de funk, de soul et de disco, tout en y greffant leurs propres paroles. DJ Kool Herc, souvent considéré comme l’un des « pères du rap », a introduit la technique du « break », où il isolait et répétait les parties instrumentales des chansons pour que les MCs puissent rapper par-dessus. Grandmaster Flash, avec ses techniques innovantes de DJing, notamment le scratching et le mixage, et Afrika Bambaataa, qui a fusionné le rap avec la musique électronique pour créer l’électro-funk, font partie des figures de proue de cette période ô combien séminale.

Ces artistes ont en effet posé les fondations d’un mouvement qui allait rapidement se propager bien au-delà du Bronx. Ils ont créé une nouvelle forme d’art qui était à la fois une célébration de la culture afro-américaine et une critique de la marginalisation, de la ghettoïsation et de la discrimination. Leur influence ne se limitait pas seulement à la musique, mais s’étendait à la mode, à la danse et à l’art visuel. Plus que de simples musiciens ou interprètes, les premiers rappeurs étaient des visionnaires ayant décelé le potentiel du rap et ayant essuyé les plâtres pour un courant musical qui allait bouleverser la culture populaire. Leur héritage se perpétue bien entendu aujourd’hui encore, avec de nombreux artistes modernes citant ces pionniers parmi leurs principales influences.

R.P.

Comments

Une réponse à « Rap, genèse et évolutions (1/6) »

  1. Avatar de La culture asphyxiante, l’éveil et l’impasse – RadiKult'

    […] et de légitimation. Dans la musique, il en a d’ailleurs été de même pour le rap ou le […]

    J’aime

Laisser un commentaire