Pep Guardiola, une métamorphose bavaroise

Pep Guardiola, La Métamorphose, publié en version poche par les éditions Marabout, est une immersion passionnante dans les coulisses du Bayern Munich entre 2013 et 2016. Le journaliste sportif Marti Perarnau, proche de Pep Guardiola, raconte l’envers du décor, à coups d’anecdotes, d’analyses et de récits détaillés. Son livre est prolixe quant aux méthodes et philosophies qui ont façonné l’un des tacticiens les plus innovants du football moderne.

Au Bayern Munich, Pep Guardiola a entrepris de fusionner le tiki-taka espagnol, dont la maîtrise technique et le jeu de possession avaient ébloui l’Europe du temps du FC Barcelone, avec l’intensité et la verticalité du football allemand. Cette hybridation réussie a permis au club bavarois de dominer la scène nationale, tant en Bundesliga qu’en Pokal, et de s’imposer définitivement comme un ogre en Europe, malgré quelques déceptions sur lesquelles Marti Perarnau revient longuement (notamment deux défaites contre les clubs madrilènes en demi-finale de Ligue des Champions).

Héritant d’un rouleau compresseur ayant remporté le triplé avant sa venue sous Jupp Heynckes, Pep Guardiola y a introduit une fluidité et une précision quasi inédites, tout en conservant l’agressivité et l’endurance physique qui caractérisaient l’équipe. Son Bayern s’est fait le chantre du beau jeu ; il est devenu plus adaptable, extrêmement difficile à contrer, et a imposé à ses adversaires un rythme de jeu soutenu et spectaculaire, que les supporters apprécieront au point de considérer l’entraîneur catalan comme un enfant du club, des témoignages d’affection visibles lors de son retour en Bavière avec Manchester City.

Si Pep Guardiola, La Métamorphose possède une structure, cette dernière est lâche, pour ne pas dire décousue. Marti Perarnau fait en effet son deuil de la chronologie et de l’argumentaire découpé par thème : il saute d’une observation à l’autre, il introduit des encadrés sur des matchs ou des anecdotes spécifiques, il raconte les états d’âme de Pep Guardiola autant que ses rapports avec les joueurs ou les autres entraîneurs – Philipp Lahm est le cerveau de son équipe, Joshua Kimmich ou David Alaba sont des modèles de polyvalence, Thomas Tuchel possède des qualités de coaching qu’il apprécie.

Reconnu et même acclamé pour ses innovations tactiques, Pep Guardiola présente néanmoins quelques lacunes que l’auteur ne manque pas d’épingler, notamment dans la gestion des temps faibles et du jeu de contre-attaque. Sa philosophie fondée sur la possession et le contrôle montre parfois des limites face à des équipes retranchées dans leur rectangle et/ou adeptes des transitions rapides. Ses qualités peuvent aussi se muer en écueils : en voulant ménager la direction bavaroise, il va perdre Toni Kroos, vendu au Real Madrid, et travailler avec une équipe médicale qui ne le satisfait pas. En s’échinant à répondre aux questions des journalistes en allemand, il peine à exprimer toute la profondeur de sa pensée.

L’une des marques de fabrique de Pep Guardiola tient incontestablement en son audace tactique. Confier les clés du milieu de terrain à Philipp Lahm, un défenseur latéral de formation, en est un parfait exemple. De même, défendre avec un joueur comme Xabi Alonso, qui vient s’insérer dans la défense centrale, montre sa confiance dans l’intelligence de jeu et la capacité de ses joueurs de se mouvoir sur le terrain en fonction de la position de leurs adversaires. On a aussi vu le Bayern Munich jouer avec cinq attaquants, un paradoxe pour un entraîneur suspecté de ne vouloir mettre sur le terrain que des milieux axiaux…

Marti Perarnau nous donne à voir un Pep Guardiola pour qui chaque match constitue une équation à résoudre. Par exemple, lors de la préparation d’une rencontre à enjeu contre Dortmund, il anticipe tous les déplacements adverses, imagine divers scénarios et cherche constamment la supériorité numérique en défense. Cette approche mathématique du football, où chaque détail est soigneusement calculé et chaque mouvement prévu, témoigne d’un refus obstiné de laisser quoi que ce soit au hasard. 

Les trois années passées à Munich ont été formatrices pour le coach catalan. Il a grandi en tant qu’entraîneur. À son arrivée à Manchester City, il trouve un club aux moyens démesurés, qui lui offre la possibilité rare de construire une équipe selon sa vision, sans subir le poids d’un héritage aussi glorieux que pesant. Ce nouveau chapitre marque un tournant dans sa carrière : il peut désormais pleinement exploiter ses idées et méthodes, fort de l’expérience accumulée en Liga et en Bundesliga. Ses mentors, Johan Cruyff et Juanma Lillo, ont certes influencé sa pensée footballistique, mais son approche positionnelle, technique et réfléchie du jeu lui est personnelle, et sans cesse renouvelée.

Pep Guardiola, La Métamorphose portraiture un homme qui est bien plus qu’un idéologue du football. Quelqu’un qui adapte constamment ses schémas de jeu à l’adversaire, sans jamais le sous-estimer. Un coach capable de transformer en quelques jours à peine un jeune joueur prometteur – Joshua Kimmich – en un défenseur central parfaitement préparé, alors qu’il l’avait déjà baladé sur tout le terrain en cours de saison. Figure emblématique du football moderne, Pep Guardiola apparaît aussi humain que génial, et suffisamment spécial pour rendre ses presque 500 pages passionnantes.

J.F.


Pep Guardiola, La Métamorphose, Marti Perarnau – Marabout, juin 2024, 460 pages

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